Savoir écouter est une compétence essentielle du biographe et un préalable à celui de l’écriture. Cela semble évident, pour autant, cela ne s’improvise pas. Cinq associations d’aide (SOS Amitiés,Vivre son deuil, La Porte ouverte, Les Petits Frères des pauvres,et Astrée) l’ont bien compris en organisant un colloque intitulé Désir d’écouter, interroger sa pratique de l’écoute, le 17 novembre 2022.
La particularité de l’écoute…
J’ai eu l’opportunité de participer et depuis, je relis régulièrement les minutes de cette rencontre pour prendre du recul et jouer sur le fil équilibriste de la juste distance avec mon biographé.
J’ai pu entendre des paroles fortes notamment :
Écouter quelqu’un peut lui sauver la vie.
Il y a eu aussi :
Écouter quelqu’un, c’est accepter d’être dé-routé de sa propre logique.
Ou encore :
Il y a aussi un rapport étroit entre l’écoute et la venue au monde : l’écouté se voit offrir la possibilité de naître à nouveau.
Je me place à la fois dans une écoute active du narrateur, et dans l’accueil de sa manière de vivre, de voir, de parler. J’essaye de le comprendre de l’intérieur, de mettre à distance mes a priori ou mes préjugés…
…au service du projet d’écriture
En tant que biographe, ce qui me distingue en effet de ces écoutants méritants, c’est que j’ai à produire un écrit qui sera celui de la personne écoutée. Mon écoute est au service d’un projet d’écriture. À quel moment interrompre, questionner, solliciter des précisions ? Comment le faire ? Faut-il aller creuser tel élément plutôt qu’un autre ? Est-ce qu’il fait sens pour le livre ?
Parfois, lors de l’écoute de l’enregistrement de l’entretien, je note que j’aurais dû à tel moment, retenir une question qui a perturbé le fil du discours. D’autres fois, je regrette de n’avoir pas interrogé le narrateur (même si j’ai une seconde chance de le faire !). D’autre encore, je note qu’il faut que je l’aiguille plus pour ne pas dériver vers la plainte et pour rester dans son objectif.
Et parfois je me rends compte que je me suis laissée envahir (d’où l’importance de choisir ses projets, mais c’est une autre histoire !) : est-ce que le manque de distance est un frein à la « bonne » écriture de l’autre ou bien permet-elle au contraire de cerner et d’être pleinement la personne dans son écriture ?
Peut-être même que le questionnement fait partie d’une réponse, afin de trouver, pour chaque projet, ce qui est pertinent et juste pour le narrateur.
Crédit photo : Toa Heftiba sur Unsplash
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